Rencontres

Chaque année Susan organise un après midi festif, à la campagne. Elle y invite des amis et voisins, des parents qui ont adopté entourés de tous les enfants et bébés et bien sur d'autres couples qui sont dans l'attente.
J'ai répondu présente et je suis donc allée, seule car Chris travaillait, à ce rendez vous . J'étais très curieuse de rencontres et d'échanges, avide de pouvoir partager avec d'autres notre expérience et notre attente...
Il faisait beau et bon , nous y étions nombreux. Cette année Susan en a profité pour nous parler de la fondation pour laquelle elle travaille et qu'elle essaie de mettre sur pied en Californie; une fondation qui permet aux birth mother d'imaginer un futur, une vie qui ne soit pas forcément celle dans laquelle elles sont enfermées. Une fondation pour un accés à plus d'éducation, à une écoute, à des repères...
Un beau projet qui permet de souligner la détresse de certaines femmes et surtout les situations complexes dans lesquelles elles se retrouvent.

Mais l'interêt premier de cette réunion était avant tout les rencontres entre ceux pour qui l'enfant est arrivé et ceux qui sont encore dans l'attente.
Il est difficile pour moi de vous décrire exactement ce que j'ai ressenti; un mélange de sentiments, une drôle de sensation...
Je suis rentrée en fait très perplexe et surtout assez démoralisée .
Je crois que cela tenait beaucoup au fait que nous étions peu de parents dans l'attente, et que beaucoup d'heureux bébés étaient dans les bras d'heureux parents. Tous fiers et heureux de nous parler de leurs expériences, de nous faire part de leur bonheur et surtout de nous dire combien l'attente en vaut la peine....
Sur le moment j'étais ravie et j'écoutais toutes ces histoires le sourire en tête mais au fur et à mesure je me suis mise à distance et très vite je me suis tournée vers les enfants eux même puis je suis partie.
L'heure de conduite du retour seule au volant, m'a parue longue car j'ai beaucoup beaucoup cogité tout en essayant de retenir cette vague immense de "blues" qui tentait de déferler dans mon coeur.
La question qui revient alors est la pire des questions ; celle que l'on combat depuis des mois et qui du fait de cet après midi là, s'impose criante et hurlante : POurquoi eux et pas nous ?
C'était douloureux de voir tous ces parents avec tous ces bébés dans les bras; douloureux au sens où cela pointe le fait que c'est eux qui ont ce bébé pas vous; douloureux parce que parfois ils vous disent avoir attendu 6 longs mois et poussent un cri quand vous leur dites que vous en êtes à 28 mois, douloureux parce que vous savez que ce n'est pas comme cela qu'il faut réagir , que ce n'est pas là que vous trouverez un réconfort mais au contraire un abîme facile...
Douloureux parce qu'en fait cela vous fait craquer et que ce n'est en rien le but de cet après midi.
J'ai rencontré un couple charmant et parents de deux enfants adoptés; tous deux m'avaient prévenue à leur façon ; " Vous savez quand nous sommes venus la première année, nous sommes repartis très déprimés... " Sur le moment je me suis demandée; A h? bon? pourquoi?
Mais en arrivant chez nous, me ruant sur les kleenex, j'ai compris.

Le message de toutes ces rencontres est un message d'espoir : De vous transmettre une énergie nécessaire afin de pouvoir y croire, vous dire que l'an prochain ce sera à vous de dire cela aux autres...
Il faut aussi dire que beaucoup d'enfants présents étaient d'etnies variées et que forcément vous vous posez encore la complexe question d'ouverture ou non ...

Je vais essayer de dire à Susan qu'elle veille à ce que plus de parents en attente soient là , car il est alors difficile pour nous de trouver des appuis, de nous décharger de nos angoisses, de nous délester quelques temps de cette rongeante attente en écoutant comment font les autres .
Car tous ces parents heureux ont tourné la page de l'attente ; ce n'est plus qu'un mauvais souvenir et cela est bien normal.
Parce que ce temps d'attente nous expose encore plus et que le bonheur de voir ces bébés adotpés chez les autres n'est pas si facile à gérer émotionnellement parlant.
Je ne sais pas si j'irai l'an prochain car même avec mon bébé dans les bras je ne suis pas si sure que ce soit facile de faire passer ce message d'espoir tellement cet espoir devient difficile à porter...